L'inflation est d'abord perçue comme un phénomène monétaire. Pour les uns, elle est due à une création excessive de monnaie. Pour d'autres, c'est le résultat d'un conflit de répartition de la valeur ajoutée.Désormais, il semble que la concurrence mondialisée en soit le principal déterminant.
1. D'abord un phénomène monétaire:
Spécialiste des phénomènes monétaires, l'économiste américain Milton Friedman part d'une idée simple : toute augmentation de la masse monétaire au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les transactions entraîne celle du niveau général des prix. " La cause immédiate de l'inflation est toujours et partout la même : un accroissement anormalement rapide de la quantité de monnaie par rapport au volume de production " [1]. Autrement dit, la hausse du niveau général des prix traduit toujours, selon lui, la présence d'une quantité excessive de monnaie, qui diminue son pouvoir d'achat.
D'où vient cette hausse excessive ? Les banques créent de la monnaie en réponse aux demandes de leurs clients et ces demandes sont a priori sans limite. Mais la banque centrale dispose de plusieurs outils pour contrôler la distribution de crédits des banques. Elle les oblige à détenir auprès d'elle un compte sur lequel elles doivent placer des réserves proportionnelles aux crédits qu'elles accordent. Ces réserves obligatoires limitent les possibilités de création monétaire des banques. Et il est possible pour la banque centrale de faire augmenter ou diminuer le taux de réserves obligatoires. Elle peut également augmenter les taux auxquels elle intervient sur le marché monétaire, c'est-à-dire le taux auquel elle prête de l'argent aux banques, afin de fixer le taux du crédit au jour le jour. Cette variation des taux de court terme décourage ou encourage les banques à prêter et se transmet plus ou moins rapidement à l'ensemble des taux d'intérêt de moyen-long terme, ce qui dissuade ou encourage l'emprunt.
L'inflation ne serait donc possible que si les banques centrales l'autorisent, par une politique trop laxiste au regard de la maîtrise du crédit. L'abondance de crédit nourrirait alors une demande excessive par rapport aux capacités de production, ce qui se traduirait par une hausse des prix. Ainsi, dans les années 1970, les banques centrales étaient fréquemment sollicitées pour aider l'Etat à financer son déficit ou à " laisser filer l'inflation " afin de réduire la valeur des dettes. Mais les inconvénients croissants d'une inflation accrue ont contraint les Etats à interdire ou à freiner le financement du déficit public par la création monétaire et à accroître l'indépendance des banques centrales. Diverses études empiriques montrent que les plus indépendantes d'entre elles sont effectivement celles qui luttent le plus efficacement contre l'inflation [2]. La détermination des banquiers centraux a, de fait, contribué à replacer l'inflation sous contrôle au début des années 1980.
Cela fait-il pour autant des banques centrales les seules responsables des hausses continues ou au contraire de la maîtrise du niveau général des prix ? Non. D'abord, la banque centrale peut ne pas être efficace. Par exemple, ses hausses de taux d'intérêt pour accroître le coût du crédit peuvent ne pas être dissuasives en période de bulle de crédits.
Ensuite, les banques centrales ne peuvent ignorer l'effet de leur action sur la croissance et l'emploi. Contrairement à la Banque centrale européenne (BCE), la Fed américaine doit, selon ses statuts, se préoccuper autant de la croissance que de l'inflation. Depuis une quinzaine d'années, elle a réduit les taux d'intérêt à chaque fois qu'une menace sur la croissance est apparue. Pendant longtemps, cette politique souple, menée par Alan Greenspan, a semblé très efficace : la croissance américaine était forte et relativement régulière et il n'y avait pas de hausse des prix des biens et des services. Mais ce bilan flatteur négligeait la montée généralisée de l'endettement et la fréquence des bulles spéculatives sur les marchés d'actifs, qui ont culminé avec la crise financière puis économique entamée en 2007.
Enfin, le contrôle de la masse monétaire est devenu plus difficile du fait de la libéralisation financière. Ainsi, au cours des dernières décennies, le rapport entre les crédits distribués et la masse monétaire n'a cessé de croître dans les principaux pays industrialisés, les banques utilisant de nouveaux produits financiers comme ressources pour distribuer des crédits. Avec pour résultat que la quantité de monnaie en circulation change, même si la politique menée par la banque centrale demeure constante, amplifiant le cycle économique et le rythme de l'inflation. C'est bien pour éviter ces phénomènes et permettre un contrôle étroit de la quantité de monnaie que les économistes monétaristes, regroupés autour de Milton Friedman, préconisaient une réglementation très stricte des banques. Au contraire, depuis quelques dizaines d'années, la libéralisation du secteur bancaire a accru la liberté des banques par rapport à la banque centrale.
Celle-ci ne peut donc pas assurer en permanence un contrôle du crédit qui permette de maîtriser le financement des économies. Elle peut laisser se développer une demande trop forte par rapport à l'offre, suscitant ainsi une hausse des prix. Pourtant, ces dernières décennies, l'explosion du crédit, dont la croissance a été nettement supérieure à celle de valeur de la production, n'a pas entraîné la hausse de l'inflation. Celle-ci apparaît sous contrôle depuis le milieu des années 1980. Contrairement à ce que pensent les monétaristes, le contrôle de la masse monétaire et du crédit ne seraient donc pas les principaux déterminants de l'inflation.