L'exécution des
recettes et des dépenses dégage un solde déficitaire de 52.5 milliards de
dirhams. Le PIB réel aurait progressé de 4.4% et l'inflation de 1.4%, selon le
HCP. Pour 2014, tous les centres de prévisions tablent sur une croissance
inférieure à 4%.
Que dit le HCP dans
ses statistiques ? Que la croissance s’est améliorée à 4,4% en 2013, mais
qu’elle devrait ralentir à 2,4% en 2014 ; que le déficit du compte courant
s’allègerait progressivement, en passant de 10% en 2012 à 8,1% en 2013 et à
7,9% en 2014 ; que le déficit budgétaire serait retombé à 6% du PIB en 2013
contre 7,3% en 2012 ; que la dette du Trésor ressortirait à 63,5% du PIB en
2013 et à 67,5% en 2014; que le taux de chômage remonterait à 9,1% en 2013
(contre 8,2% en 2012) et à 9,7% en 2014.
Le ministère des
finances, estime, lui, sur la base des résultats provisoires de l’exécution de
la Loi de finances 2013, que le déficit budgétaire au cours de cet exercice est
contenu à 5,4% du PIB contre 7,3% en 2012 ; que la dette du Trésor se situe aux
alentours de 62,5% du PIB contre 59,6% en 2012; que les réserves de change
couvrent 4 mois et 10 jours d’importations de biens et services; que la
croissance en 2014 serait de 4%, comme il l’avait déjà prévu, et qu’en
conséquence le taux de chômage se maintiendrait à son niveau actuel de 9%.
Comme on le voit,
sur certaines grandeurs, les écarts sont importants entre les deux sources : en
particulier sur le niveau du déficit budgétaire en 2013, sur la prévision de
croissance en 2014, et sur le taux de chômage en 2013 comme en 2014.
D’abord, sur le
déficit budgétaire en 2013 : 6% pour le HCP et 5,4% pour le ministère des
finances. 0,6 point d’écart, ce n’est pas négligeable à ce niveau ; ça
représente quelque 5 milliards de DH. Pour l’observateur, la question qui se
pose ici et qui n’a été soulevée par personne est celle de savoir sur quel
niveau de PIB et d’inflation le ministère des finances s’est basé pour calculer
le déficit budgétaire et le taux d’endettement du Trésor (puisque ces deux
variables, par convention, se calculent par rapport au PIB non déflaté) ? Le
HCP, lui, a donné et le taux de croissance du PIB réel estimé en 2013 (+4,4%)
et celui de l’inflation (+1,4%) qui est à distinguer de l’indice des prix à la
consommation (+1,9%). Sur cette base, et compte tenu du PIB nominal réalisé en
2012, il est facile de calculer le déficit budgétaire de 2013, pour peu que
l’on dispose du montant de ce déficit.
Quelle croissance,
quelle inflation et quel solde budgétaire en valeur en 2013 ?
La Vie éco a cherché
à obtenir l’information auprès du ministre du Budget et n’y est pas parvenue.
Il semble toutefois que le ministère des finances se soit basé sur sa prévision
de croissance pour 2013 qui est de 4,8%. Reste à savoir le montant en valeur du
déficit budgétaire tel qu’il ressort de l’exécution des recettes et des
dépenses. La Trésorerie générale du Royaume (TGR) vient justement de publier
son bulletin mensuel des finances publiques, au terme duquel elle indique que
le déficit budgétaire s’élève à 52,5 milliards de DH.
Si le solde
budgétaire était celui-là, et en prenant comme base la prévision de croissance
du ministère des finances (4,8%) et un taux d’inflation supérieur (+1,9%) à
celui du HCP (l’inflation contribuant à gonfler le PIB), on obtiendrait un
déficit budgétaire de 5,94%.
Maintenant, il
semble que le solde budgétaire publié par la TGR n’est pas exactement celui qui
est pris en compte par les Finances pour le calcul du déficit (est-ce pour des
raisons liées à l’année de rattachement de certaines dépenses ?).
Mais dans tous les cas,
l’écart entre les deux montants ne doit pas être si important que cela. A
supposer même que le solde reste à son niveau de novembre, soit -50,5 milliards
de DH, et que le PIB ait effectivement crû de 4,8%, comme le prévoit le
ministère des finances, le déficit budgétaire ressortirait quand même à 5,7%.
Au total, et en l’état actuel de la disponibilité des statistiques, le chiffre
du HCP paraît plus proche de la réalité du déficit. En prenant au dénominateur
un PIB nominal en hausse de 5,8% (4,4% de croissance et 1,4% d’inflation) et au
numérateur un solde négatif de 52,5 milliards, le déficit budgétaire pour 2013
ressortirait exactement à 5,99%.
Cela dit, les
divergences, voire les polémiques sur les chiffres, contrairement à ce qui se
dit ici et là, est monnaie courante ; en Occident surtout. Il n’y a qu’à
observer les interminables débats en France sur le niveau de croissance, sur
l’inflation, le chômage, etc. Et compte tenu de l’importance du PIB de la
France, on s’invective parfois sur…une décimale. Il est vrai cependant que l’on
finit toujours par adopter les chiffres officiels, ceux de l’INSEE (Institut
national de la statistique et des études économiques), l’équivalent marocain du
HCP. Car, c’est l’INSEE (le HCP pour le Maroc) qui est le mieux outillé (parce
que investi de cette mission) pour produire les statistiques concernant la
comptabilité nationale trimestrielle et annuelle, donc la croissance entre
autres, l’évolution des prix, donc l’inflation, le niveau de l’activité, donc
le taux de chômage, le recensement de la population, donc l’évolution
démographique, etc. Ce qui n’empêche en rien d’autres institutions de se livrer
à l’exercice de la prévision ; la prévision n’ayant que la valeur…d’une
prévision (voir encadré). Mais l’arrêté des comptes nationaux, c’est en
principe la mission d’une seule institution, le HCP au Maroc. Et, soit dit en
passant, même lorsque les comptes sont arrêtés, ils ne sont jamais une
photographie de la réalité, ici comme ailleurs. Aucun pays, quelle que soit la
sophistication des moyens dont il dispose, n’arrive à mesurer avec exactitude
le niveau de sa production annuelle, celui de l’inflation ou du chômage. Mais
tous essaient à travers des outils et des modèles sans cesse améliorés d’en
restituer l’essentiel.
Si, objectivement,
la réalité est déjà difficilement cernable, ne serait-ce qu’en raison de
l’existence de l’informel, quid alors de la prévision qui, comme son nom
l’indique, tente d’appréhender le futur (proche, c’est vrai), lequel, par
définition, est incertain ? Ce qui n’est pas une raison de ne pas faire de la
prévision, car, malgré ses limites, elle offre des éclairages, des perspectives
et permet d’orienter l’action. Ce qui n’est déjà pas mal.
Les prévisionnistes
tablent sur une croissance inférieure à 4% en 2014
Tous les
prévisionnistes, à ce stade de l’année, tablent sur une croissance en 2014
inférieure à 4% : 3,8% pour le FMI, 2,4% pour le HCP, 2,7% pour le Centre
marocain de conjoncture (CMC), 3,6% pour la Banque mondiale, et entre 2,5% et
3,5% pour Bank Al-Maghrib. La cause de ce repli réside principalement dans la
baisse prévue de la valeur ajoutée du secteur primaire (-3,9% selon le HCP),
suivant l’hypothèse centrale d’une production céréalière moyenne de 70 millions
de quintaux. Avec 97 millions de quintaux réalisés en 2013, la baisse est
mécanique.
La croissance hors
agricole, qui n’aurait pas dépassé 2% en 2013, s’améliorerait, elle, à 3,6% en
2014, mais resterait inférieure de 1 point par rapport à la moyenne (4,6%)
enregistrée entre 2010 et 2012 et de 1,4 point par rapport à la moyenne (5%)
des années 2000. Ceci en raison principalement de la récession qui a frappé le
secteur secondaire (les mines et le BTP en particulier) en 2013. Partant de là,
et compte tenu de l’amélioration de la demande étrangère anticipée pour 2014
(+4,7% au lieu de +1,6% en 2013), les activités du secteur secondaire (qui
comprennent les mines, l’industrie, le BTP et l’énergie) devraient croître de
1,9%, mais on est loin par exemple des 4% réalisés en 2011 ou, mieux encore,
des 6,4% de 2010.
Pour le ministère
des finances, cependant, ce sera 4% pour 2014. Espérons qu’il aura raison !
Article de presse de: lavieeco